La jument verte (citations) par Marcel Aymé

« Il y eut un commencement de bagarre, le maire reçut un coup de pied dans les reins qui lui fit monter un discours à la gorge. Les jeunes femmes se plaignaient d’être pincées, les vieilles de n’être pas pincées, et les gamins hurlaient sous les gifles. » (p.830) «Mais j’ai vu que les belles familles ont des traditions érotiques qu’elles se transmettent d’une génération à l’autre tout comme des règles de bien-vivre et des recettes de cuisine » » Propos de la jument (p.838) « Il n’y a que les riches qui font l’amour au milieu de la journée. » Honoré Haudoin (p.856) « Quand Honoré caressait sa femme, il invitait les blés de la plaine, la rivière, et les bois du Raicart » Propos de la jument (p.867)

« Il (Honoré) sifflait sur la plaine en poussant sa charrue, puis s’arrêtait pour pisser, reprenait, crachait à gauche, chantait, parlait à ses bœufs, les caressait à lisse et à contre-poil, riait tout haut, taillait dans le bois vert un quinet pour ses garçons, dans l’écorce un sifflet, riait encore, tirait droit son sillon et s’émerveillait qu’il fît aussi bon vivre. » (p.869) « Au fond, les gens de Claquebue ne craignaient guère que les vicissitudes de ce bas monde ; la peur de l’enfer ne les gardait pas du péché, mais ils fussent demeurés chastes une année entière si la prospérité de la récolte en avait dépendu, et c’était justement ce genre d’équivalences que leur proposait le curé. Pour maintenir les âmes en puissance de béatitude éternelle, il fallait d’abord qu’elles craignissent pour le bétail et la récolte. C’était humiliant, mais s’était ainsi, et après tout, le résultat comptait seul. » Propos de la jument (p.869)

« Il (Honoré Haudouin) avait observé que les mâles sont surtout hardis avec les filles pauvres » (p.876) « Dans l’esprit d’Honoré, un mâle généreux ne pouvait être calotin, non plus royaliste ou bonapartiste ; il fallait bien peu de tempéraent pour rester insensible à une République large du bassin et si bien en chair. » (p.879)

« Sur ses épaules, il (Déodat le facteur) porte sa grosse tête ronde qui lui est bien utile pour son métier. A vrai dire, il ne pourrait pas s’en passer, justement parce qu’il est facteur. Et puis, s’il n’avait pas sa tête, qu’est-ce qu’il ferait de son képi. » (p.892) « Honoré aimait encore sa femme à cause des enfants qu’elle lui donnait. Quand il la voyait enceinte, il s’émerveillait déjà que son plaisir fît autant de volume. Il regardait ses enfants comme des désirs anciens qu’il se réjouissait de retrouver si chauds, avec des yeux vifs et des peaux colorées. » (p.897-898) … pour la majorité des hommes de Claquebue ; à l’âge de l’adolescence poussée, ils se séparaient de leurs habitude d’amours ingénues, turbulentes, impudiques, et prenaient le chemin de choisir une femme et de se limiter en toutes façons. » Les propos de la jument (p.924)

« Il n’y a de mauvaises mœurs que celles qui attentent à la propriété ou la déprécient. » (p.925) « Les enfants jouent, pensait-il (le curé), quand ils seront grands, ils ne joueront plus ; ils mêleront les plaisirs de la chair à la peine de vivre et alors seulement, on pourra utilement leur en faire un épouvantail. » (p.928) « On travaille pour gagner sa vie, oui, et puis on travaille pour travailler, parce que c’est tout ce qu’on sait faire. Moi, je ne me plains pas. J’aime de travailler et je suis servi pour longtemps. » Honoré (p.946)

« Les périls qui menaçaient des enfants bien élevés étaient innombrables sur cette plaine tendre comme une femme en attente ; et au bord de la plaine, dans ces grands bois qui bordaient tout un côté de l’horizon : denses et sans fond, recélant des ténèbres humides, il y tiédissait des rêves lascifs dont la brise apportait le murmure sur les champs. » (p.965) « Un mort qui ressuscite déçoit toujours un peu son monde. » (p.972-973) « Les romanciers sont des gens à la tête légère, ils racontent des histoires, et la morale y va comme elle peut. Je le dis sans orgueil : il est bien heureux qu’une jument verte se soit trouvée là pour tirer de ce roman un robuste et honnête enseignement, à savoir qu’il n’y a point d’amour durable, partant point de bonheur, en dehors de la famille. Les propos de la jument (p.1013). « Une histoire qui court sous le manteau n’est qu’une légende, et les opinions qu’on tait sont du vent » (p.1019)